Est-ce que j’ai le droit de filmer la police ?
Est-ce que j’ai le droit de filmer la police ?
Tu vois une intervention de police dans la rue. Tu dégaines ton téléphone. Peut-être par réflexe, par précaution, ou pour alerter sur une situation choquante. Mais… as-tu vraiment le droit de filmer les policiers ?
Tu n’es pas seul à te poser la question. Beaucoup cherchent aussi : puis-je filmer un contrôle de police ?, ai-je le droit d’enregistrer une interpellation ?, puis-je publier une vidéo de policiers ?. Ces questions reviennent souvent, surtout à l’heure des réseaux sociaux et des vidéos virales.
Alors, entre ce que permet la loi, ce que tolèrent les agents et ce que risquent les vidéastes imprudents, faisons le point.
Ce que dit la loi
Bonne nouvelle : tu as le droit de filmer les policiers, même en intervention, tant que tu ne les empêches pas d’agir. Ce droit découle directement de la liberté d’expression (article 11 de la Déclaration des droits de l’homme) et de la liberté de la presse.
Aucun texte n’interdit aux citoyens de filmer les agents de l’État dans l’exercice de leurs fonctions dans un lieu public.
👉 Concrètement, tu peux filmer :
- un contrôle d’identité sur la voie publique,
- une interpellation dans la rue,
- une intervention policière visible depuis l’espace public.
Cela a été confirmé par plusieurs juridictions françaises et européennes, comme la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH, aff. Jersild c. Danemark, 1994) : les agents publics ne bénéficient pas du même droit à l’image que les simples citoyens lorsqu’ils agissent dans le cadre de leurs fonctions.
⚠️ Attention : le droit de filmer ≠ le droit de diffuser n’importe comment. C’est là que ça se complique.
Ce que tu risques
En soi, filmer les policiers ne constitue pas une infraction, tant que :
- tu restes à distance raisonnable,
- tu ne gênes pas leur action,
- tu n’agresses pas verbalement ou physiquement.
Mais dès que tu diffuses la vidéo (sur les réseaux, par exemple), plusieurs risques juridiques peuvent apparaître :
➤ Atteinte à la vie privée
Même s’ils sont agents publics, les policiers peuvent te poursuivre si la vidéo montre des éléments de leur vie privée (ex : domicile, famille, visage en gros plan hors intervention...).
➤ Diffamation ou injure publique
Si tu accompagnes la vidéo de commentaires insultants (“flics pourris”, etc.), ou si tu colportes des accusations graves sans preuve, tu peux être poursuivi devant le tribunal correctionnel.
➤ Article 35 quinquies de la loi de 1881
Depuis la loi "sécurité globale" de 2021, il est interdit de diffuser l’image de policiers dans l’intention manifeste de leur nuire, en particulier à leur intégrité physique ou psychique.
➡ Sanction : jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende.
👉 Mais cette infraction nécessite de prouver l’intention malveillante, ce qui est rarement simple.
Les exceptions
Tu peux filmer librement dans un lieu public, mais ce droit s’efface dans certains cas :
🏠 Lieu privé
Si l’intervention se déroule dans un lieu non ouvert au public (appartement, hall d’immeuble, magasin fermé), il te faut une autorisation (du propriétaire ou de l'occupant) pour filmer.
🚔 Filmer pour nuire
Tu ne peux pas filmer pour humilier, dégrader ou inciter à la haine contre des policiers. Le simple fait de filmer en commentant violemment ou en ciblant nommément un agent peut poser problème, surtout si la vidéo est publiée.
🧒 Mineurs ou victimes
Si la scène implique un mineur ou une personne vulnérable, la diffusion de l’image est très encadrée, même si les policiers y apparaissent.
📰 Exception journalistique
Les journalistes accrédités bénéficient d’une protection particulière pour filmer et diffuser, notamment dans l’intérêt d’informer. Mais en tant que citoyen, tu peux aussi invoquer ce principe si ta démarche est documentée, non malveillante, et factuelle.
En résumé
✅ Tu peux filmer les policiers dans un lieu public, s’ils sont en intervention.
❌ Tu ne peux pas les filmer dans un lieu privé sans autorisation.
❌ Tu ne peux pas diffuser une vidéo si ton intention est de leur nuire.
✅ Tu peux garder une vidéo comme preuve, sans la publier.
❌ Tu risques des poursuites en cas de diffusion injurieuse ou diffamante.
Bon à savoir
L’article 35 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, créé en 2021, précise que :
“Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende le fait de diffuser […] l'image du visage ou tout autre élément d'identification d'un agent de la police nationale ou de la gendarmerie nationale […] dans le but manifeste qu'il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique.”
👉 Mais sans preuve d'intention de nuire, la diffusion reste autorisée si elle est neutre, informative et respecte les droits de chacun.