Est-ce que j’ai le droit de filmer mon voisin depuis chez moi ?

Est-ce que j’ai le droit de filmer mon voisin depuis chez moi ?
Photo by Bermix Studio / Unsplash

Tu es chez toi, tranquille, et tu remarques que ton voisin fait quelque chose qui t’agace, t’inquiète ou t’intrigue. Alors tu te dis : « Et si je filmais discrètement depuis ma fenêtre, juste pour avoir une preuve ? » Bonne idée… ou grosse erreur ? C’est exactement ce qu’on va voir ensemble.

Tu n’es pas seul·e à te poser cette question. On trouve souvent des recherches comme :

  • Ai-je le droit de filmer mon voisin depuis ma fenêtre ?
  • Puis-je enregistrer mon voisin dans mon jardin ?
  • Filmer un voisin sans son accord, est-ce légal ?
  • Caméra maison orientée vers le voisin, c’est autorisé ?

Dans tous les cas, le sujet touche à un équilibre délicat : ton droit à la preuve ou à la sécurité, face au droit à la vie privée de ton voisin. Et c’est un terrain glissant. On fait le point.

Ce que dit la loi

En France, filmer quelqu’un à son insu ou dans sa vie privée est strictement encadré par la loi. Même si tu es chez toi, ça ne veut pas dire que tu peux tout te permettre. Il existe plusieurs textes qui s’appliquent.

📜 Les textes applicables

  • Article 226-1 du Code pénal : interdit de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui en fixant, enregistrant ou transmettant son image sans son consentement, dans un lieu privé.
  • Article 9 du Code civil : protège le droit au respect de la vie privée.
  • Jurisprudence constante : la captation d’images d’un voisin chez lui (jardin, balcon, fenêtre…) peut constituer une atteinte à la vie privée, même sans diffusion.

Filmer, c’est déjà capter

Tu penses peut-être que « tant que je ne publie pas, ça passe ». Eh bien non. La loi distingue bien deux choses :

  • Filmer (ou enregistrer) sans autorisation, c’est déjà une atteinte potentielle.
  • Diffuser ensuite, c’est encore un niveau au-dessus dans l’illégalité.

Donc si tu braques ton téléphone ou ta caméra vers le jardin, le balcon ou l’intérieur de chez ton voisin, tu es potentiellement hors la loi. Même s’il est dehors, chez lui, il reste dans sa sphère privée.

Un exemple concret

Tu filmes ton voisin qui crie sur ses enfants dans sa cour. Tu ne diffuses pas, mais tu gardes la vidéo. S’il l’apprend (par un conflit, une procédure…), il peut porter plainte. Et la simple captation, sans son accord, peut déjà être sanctionnée.

Ce que tu risques

On entre dans le dur : les sanctions.

Sanctions pénales

L’article 226-1 du Code pénal prévoit :

  • 1 an d’emprisonnement
  • et 45 000 € d’amende
    …pour avoir enregistré une personne dans un lieu privé sans son accord.

Si en plus tu diffuses la vidéo (sur les réseaux, à d’autres personnes…), la peine grimpe avec l’article 226-2 du Code pénal :

  • 2 ans de prison
  • et 60 000 € d’amende

Sanctions civiles

Ton voisin peut aussi te poursuivre au civil pour atteinte à la vie privée :

  • demander des dommages et intérêts (plusieurs centaines à milliers d’euros selon le préjudice),
  • exiger la destruction de la vidéo,
  • voire obtenir une interdiction de recommencer (astreinte à la clé).

En pratique : tolérance ou pas ?

La justice peut faire preuve de nuance, notamment si :

  • tu filmes de loin ou sans zoom abusif,
  • tu ne vises pas directement une personne identifiable,
  • tu peux démontrer une intention légitime (danger, nuisances…).

Mais attention : ce sont des cas exceptionnels. La simple gêne ou curiosité n’est jamais une justification valable.

Un cas concret

Dans une affaire de 2018, un homme avait installé une caméra donnant sur la cour de son voisin. Même sans enregistrement systématique, la possibilité de filmer a suffi pour condamner l’auteur à retirer la caméra et verser 1 000 € de dommages et intérêts.

Les exceptions

Il y a quelques situations où filmer son voisin peut être justifié… à certaines conditions.

Pour sa sécurité

Si tu subis des intrusions, menaces ou dégradations, tu peux envisager une vidéosurveillance, à condition que :

  • la caméra filme exclusivement ton domicile (y compris ton portail, jardin…),
  • elle ne filme aucune zone publique ni domicile voisin.

La CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) rappelle que toute caméra orientée vers l’extérieur doit respecter la vie privée d’autrui.

En cas d’infraction ou d’urgence

Si tu filmes un délit en cours (violence, vol…), la captation peut être tolérée comme élément de preuve, même sans consentement.

Mais attention :

  • il faut que la captation soit proportionnée,
  • l’image ne doit pas être trafiquée ou utilisée hors contexte.

C’est souvent le juge qui tranche au cas par cas.

Journalisme, enquête, intérêt public

Dans des cas très particuliers (enquête journalistique, lanceur d’alerte…), la loi peut tolérer une captation illicite si elle révèle un fait d’intérêt général.

Mais là encore, ça ne s’applique ni à tout le monde, ni à n’importe quelle situation de voisinage.

En résumé

✅ Tu as le droit de filmer chez toi, mais pas chez les autres, même depuis ta fenêtre.

❌ Filmer ton voisin dans sa propriété privée (jardin, balcon, maison) sans son accord, c’est interdit.

❌ Même sans diffuser la vidéo, tu peux être condamné.

✅ Des exceptions existent si tu filmes pour te protéger d’un danger réel, mais dans un cadre strict.

❌ L’usage d’une caméra extérieure doit être limité à ton espace privé uniquement.

Bon à savoir

Texte utile à connaître :


« Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui […] en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ou l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé. »
Article 226-1 du Code pénal

À consulter aussi :

  • Guide de la CNIL sur la vidéosurveillance : https://www.cnil.fr
  • Jurisprudence Civ. 1re, 12 avril 2012, n° 10-28.716 (caméra orientée vers le voisinage jugée illicite)